Dans ce treizième épisode, l’histoire touchante de Virginie lève le voile sur une facette de l’alcoolisme au féminin, et montre la ténacité qu’il faut pour en sortir. Le récit dur et beau d’une femme qui se bat jour après jour contre cette maladie. L’occasion de rappeler que, bien que socio-culturellement admis, l’alcool est une drogue dure, au même titre que l’héroïne, la cocaïne, etc. Avec cette particularité que l’assuétude s’immisce très progressivement dans la vie du consommateur, déguisant la toxicité du produit sous l’illusion de la coolitude et de la convivialité.
Si les chiffres du dernier rapport de l’OMS sur la santé et l’alcool (2018) montrent que 3 millions de personnes sont mortes dans le monde en 2016 à cause de l’alcool (= 5,3% des décès dans le monde, soit une mort sur 20), ils montrent aussi une proportion supérieure d’hommes par rapport aux femmes : 3 hommes en meurent « contre » 1 femme en 2016. Pourtant, même s’il reste encore tabou, l’alcoolisme des femmes est en augmentation. Comme les jeunes, elles sont la nouvelle cible des alcooliers et se voient attirées par un marketing pensé pour elles : des packagings plus sobres et élégants qui rendent cool la femme active moderne, et incite la cadre supérieure et/ou mère de famille stressée à décompresser entre copines avec son verre de Chardonnay.
Alors qu’on attribue un côté forcément convivial à la consommation d’alcool chez l’homme, lui permettant de se déstresser voire de dépasser une certaine timidité dans certains contextes, la consommation d’alcool par les femmes reste toujours aussi mal vue : la femme qui boit perd son statut de femme respectable ou de « bonne mère », « ne sait pas se tenir », parce que » si elle voulait vraiment arrêter elle le pourrait ». Résultat? Les femmes qui boivent se cachent et, muettes et honteuses, tardent à consulter ou à trouver de l’aide. Pour Nicou, membre depuis 25 ans chez les Alcooliques Anonymes en Belgique, « on voit de plus en plus arriver des femmes forts abîmées et très jeunes. Leur consommation d’alcool s’apparente de plus en plus à celle des hommes (fête/binge drinking) et cohabite avec le profil plus « classique » de la femme en recherche d’évasion qui boit chez elle par solitude et/ou dépression. Dans cet article de Libération, Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et addictoloque, explique que « l’alcoolisme au féminin est devenu un problème majeur qui concerne souvent un public instruit et très diplômé ». Elle précise qu’il y a souvent des terrains à risque, des antécédents de maltraitance générale qui pèsent très lourd. »
Chez les AA, ce mouvement new-yorkais initié il y a 80 ans par deux médecins au passé bien imbibé, on croit dur comme fer que seul un alcoolique peut comprendre un alcoolique, qui par l’exemple, le partage, le soutien, l’amitié, peut l’aider à trouver la force en lui nécessaire à son rétablissement. Le credo : un jour à la fois, ne pas prendre le premier verre. Longtemps connoté à la religion protestante, le mouvement fut longtemps méprisé par le corps médical. Depuis 30 ans en Belgique, « petit à petit les médecins se sont ouvert et la plupart considèrent que les AA sont quelque part le SAV d’une cure et un volet important pour tenir dans la durée. Depuis la crise Covid, même si les membres étaient peruds au début, on constate que notre programme et nos réunions virtuelles permettent clairement de tenir le cap et de surmonter l’isolation du confinement », précise encore Nicole.
Anonyme, et c’est ce qui fait sa force, le mouvement ne tient aucune statistique de réussite ou de rechute. Et parce que l’alcool touche tous les proches de l’alcoolo dépendant, les AA évoluent depuis des années en parallèle au mouvement Al – Anon, « une fraternité dont les membres sont anonymes et composée de parents et d’amis d’alcooliques qui se réunissent pour partager leur expérience, leur force et leur espoir, afin de résoudre leurs problèmes communs ». Pour rappel, l’alcoolisme est une maladie, une dépendance. Les proches ne peuvent être des soignants, mais des accompagnants.
Pour approfondir la questions, quelques sources intéressantes :
> L’alcoolisme au quotidien : de la consommation agréable à la dépendance, du docteur Geibe, alcoologue réputé en Belgique dévoué à la prévention auprès des jeunes et des parents. Editions Seli Arslan
> Femmes face à l’alcool, résister et s’en sortir, de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Odile Jacob.
> Chérie, dis-moi, pourquoi tu bois?, livre-témoignage de Pierre D. aux éditions La boite de Pandore
Nous avons pris beaucoup de plaisir à questionner ce tabou; merci à Virginie pour sa confiance.
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