Dans ce 12e épisode des Confidences, place au témoignage de Ricardo, 40 ans, né dans une #secte dans laquelle il a passé la moitié de sa vie. Une histoire forte et courageuse, qui explore les confins de notre chère liberté de pensée, explique les croyances et leurs déconstructions, et insuffle l’espoir d’une société plus juste.
Rencontrer Ricardo, c’est prendre le temps. Le temps de comprendre ce qui se cache sous cette carapace forte et souriante. C’est prendre le temps d’écouter le récit humble et éprouvant d’un enfant qui a grandi sans repères cohérents. Le premier contact ? Un post sur la page Facebook du Brussels podcast Club, par lequel Ricardo cherchait un « Podcast Host » pour recueillir son histoire : « Mon intérêt personnel c’est de sortir cette histoire de ma tête sous la forme d’une archive utile à la société et toutes les personnes se sentant concernées par les problématiques universelles que cette histoire soulève. » Il nous a fait confiance et s’est replongé dans ses souvenirs, assis sur la cuvette.
Ces derniers mois étaient plus agités dans la vie de Ricardo. En cause, en ce début décembre, le procès contre Robert Spatz et la secte OKC (Ogyen Kunzang Chöling) qui attend son dernier verdict en cours de cassation, à Liège. Un procès long de 23 ans qui touche à sa fin, après plusieurs rebondissements depuis les premières perquisitions en 1997 rue de Livourne à Bruxelles, et au sein du monastère de la secte, dans le sud de la France, au domaine du Château de Soleils. Là où la communauté élevait ses enfants, alors que leurs parents travaillaient dans les magasins, restaurants et entreprises de la secte en Belgique. Robert Spatz est alors accusé de nombreux méfaits : extorsion, faux et usages de faux, blanchiment d’argent, traite des êtres humains, séquestration et non-assistance à personne en danger.
Plus tard, viennent s’ajouter des accusations d’abus sexuels et de viols. Depuis 2015, une vingtaine d’enfants d’adeptes, dont Ricardo, ont créé un crowdfunding pour trouver un avocat et se constituer parties civiles pour réclamer justice. Pour suivre leur combat : https://okcinfo.news/. Et si vous voulez en savoir plus sur l’affaire en question, n’hésitez pas à regarder le reportage que l’équipe de Devoir d’enquête (RTBF) a consacré à la secte « OKC : Les enfants oubliés », il y a tout juste 5 ans. On y prend la mesure du développement d’une secte tentaculaire, en toute discrétion en plein centre de Bruxelles, durant 20 ans. La Belgique, ce Wild Wild Country ?
Ce Jeudi 2 décembre, la cour de cassation a rendu son verdict : Le gourou belge écope de 5 ans de prison avec sursis. Reste qu’il a encore un mois pour un pourvoi en cassation. Sur le mur Facebook de Ricardo, on pouvait lire ce jeudi : « La chose qui me fait vraiment le plus plaisir et qui signe cette victoire c’est ces vies qui changent et qui à partir de ce soir pourront regarder derrière elle en étant fière d’avoir survécu, d’avoir parlé et d’être sur les routes de la résilience avec depuis ce jugement, un poids en moins à porter.
Car si l’histoire de Ricardo soulève un immense dossier judiciaire qui semble inextricable, il soulève aussi la question de la reconstruction psychique, à la sortie de cette prison pourtant dépourvue de barreaux. Comment une douce utopie hippie bouddhiste basée sur la bienveillance se transforme en une secte malfaisante? Comment tombe-t-on sous emprise ? Comment on s’en sort ? Comment on s’extirpe de la manipulation, « ce mal invasif qui s’infiltre dans la moindre de vos pensées, le moindre de vos comportements, la moindre de vos cellules », comme l’explique Ricardo ? Comment retrouver sa liberté de pensée ? Et comment aider une personne pour laquelle, peut-être, l’on s’inquiète ? Sur le site d’Aviso, une association belge d’aide aux victimes des sectes, on trouve en autres, des conseils et des repères pour les proches de victimes. Il existe aussi le Service d’Aide aux victimes d’emprises et de comportements sectaires, au sein d’un planning familial situé à Forest (savecs@centrearconi.be).
Alors qu’on pense ces « histoires de sectes » bien loin de nous tant elles sont discrètes, début septembre, une nouvelle enquête de la RTBF, #Investigation, dévoilait un état des lieux bien mitigé : une quinzaine de communautés suspectées d’être sectaires et une justice et des institutions bien en peine pour les démanteler. C’est le constat malheureux que fait aussi le Centre d’informations et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), une sorte d’Observatoire des sectes créé en 1998, suite aux recommandations de la commission d’enquête parlementaire.
A l’heure Covid où les esprits confinés s’échauffent, où les croyances rassurent autant qu’elles opposent, où l’incertitude chamboule et malmène nos esprits critiques, partager l’expérience de vie de Ricardo est pour nous une manière de célébrer la liberté et l’indépendance, celles des pensées et des actions. Plus que jamais, gardons l’esprit ouvert !
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